Notes sur les Jurquet, réunies par Jean Hennequin (92210 Saint-Cloud)


 

Les Jurquet d'Oradour

 

curé L. Boyer. "Petit Pierrefortais" 1927.

Bibliothèque presbytère de Pierrefort. 1990

Toutes les grandes familles du pays rivalisent avec les Brezons pour faire du prieuré de St-Flour un riche et puissant monastère.

Parmi elles au premier rang se trouvent les Jurquet d'Oradour.

Leur origine n'est guère connue. Ils se réclament d'un lignage illustre et prétendent descendre des premiers comtes de Toulouse par Raymond 1er de Rouergue.

Celui-ci mourut en 961 après avoir, dans son testament, partagé ses biens entre ses deux fils, Raymond et Hugues.

Raymond, l'aîné, hérita du comté de Rouergue et Hugues, le cadet, eut le fief de la Garde avec son église. De plus le château de Vuandalors, qu'on identifie avec La Vidalenche, commune de Brezons et la terre de Ste-Marie restait en indivis entre les deux frères.

Ce serait en souvenir de cet aïeul que les seigneurs d'Oradour auraient placé dans leur écusson les armes de la maison de Rouergue-Toulouse.

D'après Boudet au contraire les seigneurs d'Oradour descendent des comtours de Nonette et se trouvent, par conséquent parents des seigneurs de Brezons.

Quoiqu'il en soit, on s'accorde à reconnaître en Bernard Jurquet le premier membre connu de la maison d'Oradour, vers 1025.

On voit ensuite André Jurquet, ses frères et ses neveux faire don au monastère de St-Flour de leur part des églises paroissiales de St-Martin de Chaudesaigues, de St.Etienne d'Oradour, de l'église qu'on appel Bozac (Boussac) en langue vulgaire, de l'église de Ste-Marie de Roueret (Rouvelet ?) et la chapelle du château de Bapaume.

On ne sait pas où se trouvait ce château de Bapaume, mais en revanche il ne nous est pas difficile de reconnaître l'ancienne chapelle de Boussac dans l'église de Bozac.

André, son frère Rigaud et Guillaume, fils de ce dernier, donnèrent encore à St-Flour des mas situés aux environs de Chaudesaigues à Lazunac, Auzolles, Auzolettes, Perret et Boissières. Ils demandaient en retour d'être reçus moines au prieuré, s'ils le désiraient et, s'ils restaient dans la vie séculière, de pouvoir être inhumés dans le monastère en habit de religieux.

A peu près à la même époque Robert de St-Urcize donna au monastère la moitié de l'église St-Martin de Chaudesaigues, complétant ainsi la donation du seigneur d'Oradour.

Mais, en 1060, il se trouve que les héritiers d'André Jurquet, Bernard, Déodat, Astorg, Etienne et leur soeur Guillemette, détenaient encore les droits de baptême, de sépulture, les offrandes et les autres revenus de l'église d'Oradour, et entendaient bien ne pas les céder gratuitement.

Les moines de Cluny qui travaillaient partout à soustraire les églises à l'emprise des seigneurs laïques leur donnèrent 5 mas et 70 sous du Puy. Ces mas étaient ceux de Pierrefride (Pierrefiche ?), Malefosse, Metge, Ponjoutai ou Ponjoulat (?).

Bernard et ses frères jurèrent sur l'autel de St-Flour de respecter ce traité et de le défendre envers et contre tous à l'exception des Brezons "leurs seigneurs".

Mais les comtours de Nonette qui étaient les hauts suzerains du pays devaient ratifier ces donations pour qu'elles restent autant qu'il serait possible définitives.

Le comtour Amblard II et ses frères Etienne et Astorg firent payer fort cher la ratification; Etienne reçut une mule, Astorg aussi une mule et 100 sous; au comtour 1.000 sous et accorder l'habit monastique à l'un de ses soldats qui pour le salut de l'âme d'Amblard se vouait à la vie du cloître.

Géraud Jurquet d'Oradour fils et successeur d'André, qui vivait en 1080, fut à son tour un généreux bienfaiteur du monastère de St-Flour. A l'église de Ste-Marie que possédaient déjà les moines par la libéralité de son aïeul, il ajouta tout le fief de cette paroisse et les moines devinrent ainsi les seigneurs de Ste-Marie.

Quelques années plus tard au contraire l'on vit le fils de Géraud, Bernard II et les enfants de ce dernier, Arnaud, clerc, Bernard, Etienne, Géraud, Guillaume et Pierre entrer en lutte avec le monastère.

Ils s'emparèrent de l'église de St-Martin de Chaudesaigues pour y installer aussitôt Arnaud le clerc.

Le prieur de St-Flour, Etienne II, se hâta de porter plainte devant le pape Urbain II qui se trouvait alors au concile de Clermont pour prêcher la 1ère croisade. Ce dernier excommunia le seigneur d'Oradour et ses enfants jusqu'à ce qu'ils aient rendu l'église.

Quelques jours après le pape étant de passage à St-Flour et il confirma irrévocablement le monastère dans la possession de St-Martin et plaça tous ses biens sous la protection spéciale du Saint-Siège.

Le clerc Arnaud demanda la prêtrise à l'évêque de Clermont qui se trouvait à Aurillac, averti par le prieur Etienne l'évêque refusa, Arnaud parvint à se faire ordonner par l'évêque de Rodez et se maintint à Chaudesaigues.

Le 2 juin 1119 le pape Calixte II se trouvait à St-Flour et à la prière du nouveau prieur Adalelme, il excommunia Arnaud une seconde fois.

Cette nouvelle sentence brisa la résistance des rebelles, Arnaud et ses frères restituèrent l'église au prieur, Adalelme laissa à Arnaud la jouissance viagère de la partie de l'église de St-Martin qui venait des seigneurs de St-Urcize.

(Suit la liste des chanoines de Brioude qui furent de la famille des Jurquet de 1200 à 1667)

Au cours du XIIIe siècle les Jurquet prirent le nom d'Oradour.

1572 Bib Jurquet, Boyer

En 1262, nous trouvons une branche cadette de la famille des seigneurs d'Oradour, établie dans la paroisse de Laveissière, près de Murat, au château de Combrelle. Les Jurquet possédèrent longtemps cette seigneurie et nous verrons en 1572 Louis de Combrelle marier son fils Antoine à Gabrielle de Pierrefort, fille de feu Roche de Pierrefort, seigneur du lieu.

Ce fut sans doute pour se distinguer des Jurquet de Combrelle, que les seigneurs d'Oradour en prirent exclusivement le nom.

1259 2 2 Bib, Jurquet d’Oradour, Boyer,

Le 2 février 1259, Bernard d'Oradour et Foulques son fils se présentent à l'abbaye de Bonneval pour y être reçus parmi les moines.

A l'occasion de son entrée en religion, Bernard fit don à l'abbaye du droit d'albergue qu'il percevait au village de Fraissinet, droit qui consistait en un repas de pain et de fromage pour seize hommes. Il donna également huit "trousses" d'herbe et quatre poule et demie qu'il percevait annuellement dans le même village. en retour le monastère devait donner à son fils 10 £ du Puy, laquelle somme devait servir à racheter les droits ci-dessus qui avaient été engagés au seigneur de Pierrefort.

Cette abbaye appartenait à l'ordre de Citeaux.

Elle était depuis longtemps possessionnée en Hte-Auvergne et en 1177 Guirbert de Peyre lui avait fait la donation de l'alleu de Fraissinet et des droits qu'il possédait au territoire de Runel, la Renel d'aujourd'hui. Suivant la coutume de l'ordre les possessions éloignées du monastère étaient de véritables exploitations rurales, dirigées par des moines et portaient le nom de grange. Un savant prêtre de l'Aveyron prépare en ce moment la publication du cartulaire de Bonneval. Lorsqu'il aura paru nous pourrons sans doute faire l'histoire de la grange de Fraissinet.

Raymond d'Oradour succéda à son père. Le 30 mars 1262 il engagea à Pierre, abbé de Bonneval la moitié des cens qu'il percevait sur la grange de l'abbaye à Fraissinet et promit que lorsqu'il voudrait les racheter, il verserait en deux paiements les sept cent sous du Puy que l'abbaye venait de lui donner.

Trois ans plus tard, en, 1265, le même Raymond d'Oradour déclare tenir en franc-fief de l'abbaye de Bonneval les cens qu'il lève sur la grange de Fraissinet.

1286 19 6 Bib, Jurquet d’Oradour, Boyer,

Le 19 juin 1286, ce fut grâce à la médiation de Raymond d'Oradour et de Bernard de Vernet archiprêtre de St-Flour qu'un accord fut conclu entre Garnier, prieur de St-Flour et Pierre de Neuvéglise.

A cette époque cependant les seigneurs d'Oradour sont relégués au second plan par les Peyre qui se sont établis à Pierrefort.

(sources: Cartulaire de St-Flour ch. 127, 136, 142 et "Notes sur l'histoire du Rouergue, de Rigal et Verlaguet" no 549, 598, 603, 625.)

En émigrant à Combrelle, dans la vallée de l'Allagnon, la branche cadette des seigneurs d'Oradour avait encore bien des attaches et des possessions dans son pays d'origine.

Nous en trouvons en effet la preuve dans le testament d'Hugues Jurquet, chevalier rédigé le lundi après la fête de la St. André de l'année 1307.

Voici d'ailleurs d'après Mr. Felgères, l'analyse de cette pièce curieuse:

Hugues ne laisse point d'héritier direct, il a seulement deux neveux et une nièce, Gibert et Jean Jurquet, damoiseaux et Souveraine Jurquet, religieuse du Chambon. Il lègue à Jean Jurquet son château de Combrelle, ainsi qu'une maison à Chastel-sur-Murat, il donne à Souveraine 15 sous à prendre sur le revenu du Chambon, et institue Gilbert héritier universel de ses autres biens. Suivent des lègues particuliers faits aux diverses paroisses du canton de Pierrefort, huit deniers au recteur de la paroisse de Pierrefort, douze deniers à chaque prêtre de cette église; autant aux autres recteurs et aux prêtres des églises de Paulhenc, Gourdièges, Cézens, Oradour, St-Martin-sous-Vigouroux et Brezons; 15 sous pour les travaux de l'église de Pierrefort et autant pour la chapelle et le luminaire de Turlande. Le testament dispose encore de vingt setiers seigle, mesure de Pierrefort, pour faire la charité dimanches et fêtes dans les églises de Pierrefort et de Paulhenc, à la Rochette et en divers endroits de la contrée, même aux pauvres d'Entraygues et de Brezons.

Il désigne comme exécuteurs testamentaires ses deux neveux, le curé de Paulhenc et le moine cellérier de l'abbaye de Bonneval en Rouergue.

Le choix de ce dernier s'explique aisément si l'on se souvient de ce que nous avons dit de la grange de Fraissinet, possession de Bonneval sur la paroisse d'Oradour.

Les multiples libéralités de Hugues Jurquet dans ce testament de 1307 attestent que ce seigneur possédait encore des droits et des intérêts dans notre région qui avait été le berceau de sa famille.

1300 Bib, Jurquet d’Oradour, Boyer,

Raymond d'Oradour dont nous avons déjà parlé est appelé Raymond III d'Oradour dans le nobiliaire d'Auvergne. Il vivait encore en 1300 car il fut présent, cette année même, avec Guillaume III de Murat et Guillaume de Turlande à un hommage que Béranger de la Géiole, rendit au comte de Rodez, vicomte de Carlat à raison de ce qu'il possédait dans la terre de Valon qui dépendait du seigneur de Pierrefort.

A Raymond III succéda Pierre d'Oradour qui était en 1303 seigneur d'Oradour et de Malbec. Pierre était vraisemblablement le fils de Raymond, sans preuves certaines. En revanche à partir de Pierre d'Oradour la filiation s'établit parfaitement et on peut dresser avec certitude la généalogie de ces seigneurs jusqu'à l'extinction de la race

Pierre d'Oradour possédait la petite seigneurie de Malbec qui relevait d'un château dont le "Dictionnaire Statistique du Cantal" nous décrit ainsi l'emplacement pittoresque:" Au dessous du hameau de la Ribeyre, sur un point ou la rivière de Truyère forme un angle aigu, et à l'embouchure de trois ruisseaux, s'élève un rocher taillé par la main des hommes dans la partie supérieure, afin de l'isoler. On ne pouvait arriver sur ce point qu'à l'aide d'un pont-levis. La pente du rocher est en dos d'âne jusqu'à la rivière. On voit sur son sommet quelques pans de murs, la fondation de quelques bâtiments, le tout recouvert actuellement par des broussailles. Là sont les ruines du château de Malbec. Il était dominé, à une très grande hauteur par un autre rocher sur lequel était construit un fort pour la défense du premier."

Le même Dictionnaire ajoute que la famille de Malbec était très ancienne, et compta six admissions au chapitre noble de Brioude, de 1330 à 1555. Nous aurions aimé savoir qui était cette famille de Malbec. Existait elle en même temps que celle d'Oradour ou était-ce simplement des cadets d'Oradour qui avaient pris le nom de Malbec ?

Pierre d'Oradour qui vivait encore en 1330 était décédé en 1336, car nous voyons à cette date ses enfants, Raymond, Bernard et Catherine ratifier le testament de noble Pierre d'Oradour leur père.

Raymond IV d'Oradour, avait épousé en 1325 Marguerite de Cochat. Nous connaissons au moins deux enfants de ce mariage: Isabeau qui se maria à un damoiseau de la maison de Montaigu et Robert qui succéda à son père dans la terre d'Oradour.

Robert d'Oradour se maria avec Isabelle de Monclar et à cette occasion son père lui fit donation de la terre de Malbec dans le contrat de mariage daté du lundi avant la fête de St-Martin, 1351. Isabelle de son côté avait reçu une dot payée plus tard car ce n'est qu'en 1368, 1374 et 1382 que Robert d'Oradour en donna quittance à son beau-frère Bernard de Monclar, seigneur de Montbrun.

Robert d'Oradour vivait encore le 3 décembre 1394, date à laquelle il obtint du Sénéchal d'Auvergne le commandement d'une compagnie d'hommes d'armes.

Il eut deux enfants: Isabeau et Urbain d'Oradour.

Isabeau fut mariée, en 1406, à Jean de Besse, seigneur du Couffour et en partie de Chaudesaigues. Jean de Besse était déjà mort en 1418 sans laisser d'enfants.

Urbain d'Oradour, seigneur d'Oradour, de Betheil, de Malbec et autres lieux, chevalier, chambellan du duc de Berry, maître d'hôtel du roi Charles VII, fut un des hommes marquants de la famille. Il épousa en 1406 une demoiselle de la maison de la Tour.

En 1407 il vendit (cartulaire de Bonneval ducument (N 312) à Déodat, abbé de Bonneval, pour la somme de 21 £ tournois, plusieurs rentes et biens situés sur le territoire de la grange de Fraissinet. Cette vente fut passée "près du pont de Trébol sur le territoire qui appartient au diocèse de Rodez".

(note de Jean Hennequin: N'est ce pas à cette époque que furent données à Bonneval des terres situées à Lagarde de Paulhenc? car l'on trouve dans une reconnaissance à Bonneval, dans les archives de la famille Estampes de Lagarde, une référence à une reconnaissance à Bonneval pour des terres de Lagarde, datant de 1411 et dont les cens doivent être livrés à la grange de Fraissinet)

1414 Bib, Jurquet d’Oradour, Boyer,

En 1414, Urbain d'Oradour obtint le commandement d'une compagnie et guerroya contre les Anglais.

L'année suivante, il fit hommage de sa terre à Marie de Berry. Cependant la terre d'Oradour relevait de Pierrefort et c'était au seigneur baron de Pierrefort que ses possesseurs devaient rendre hommage féodal.

Les seigneurs d'Oradour avaient jusqu'alors rempli fidèlement ce devoir, mais Urbain d'Oradour, qui voyait grandir l'éclat de sa maison, répugnait sans doute à se reconnaître vassal de son voisin de Pierrefort et ce fut probablement pour échapper à cette sujétion qu'il hommage à Marie de Berry. Malgré cela le seigneur de Pierrefort demeura le suzerain de celui d'Oradour.

Urbain d'Oradour mourut avant le 8 novembre 1442.

Robert II d'Oradour fils du précédent, seigneur d'Oradour, Bétheil et autres lieux, avait épousé en 1436, Catherine de Vassel, fille de Lionet de Vassel, sgr. de St-Amand Tallende, de la Tour-Fondue en Limagne.

Robert II se trouva donc possessionné en Basse-Auvergne par son mariage et ce fut pour sa famille, le commencement de l'exode. Encore quelques générations et les Oradour quitteront définitivement le pays pour aller se fixer en Limagne à St-Gervazy et à Sarlan.

Robert II eut de nombreux enfants.

Suit la généalogie de la famille d'Oradour jusqu'en 1628.

La terre d'Oradour fut vendue avant 1584 à la famille de Jonchères de Belveseix qui la garda pendant quatre générations.