Bibliothèque Mazarine - Paris

HISTOIRE DE LA BARONNIE DE CHAUDESAIGUES

Felgères

CHAPITRE IV

LES SEIGNEURS D'ORADOUR. LES SEIGNEURS DE BREZONS

texte
notes

L'origine des seigneurs d'Oradour n'est pas moins mystérieuse que celle des sires de Saint-Urcise. La seule affirmation permise en une si obscure matière, c'est que les uns et les autres, à l'heure où ils se rencontrent dans la région de Chaudesaigues, au début du XIème siècle, représentent des traditions différentes, sont orientés en des sens opposés. Les Saint-Urcise regardent vers le Gévaudan, les Oradour vers le Rouergue.

Ceux-ci se réclament d'un lignage illustre: ils descendent des premiers comtes de Toulouse, de Raymond Pons qui gouverne l'Auvergne au temps du roi Raoul, et, plus de son cousin Raymond 1er, comte de Rouergue (1), lequel, après avoir distribué à ses deux fils Raymond et Hugues, ses biens par testament, mourut en l'année 961.

1. V- Préliminaires. - V. aussi la testament de Raymond Ier, Hist. du Languedoc, édition Privat, t. V, p. 239. " Illo alode du illa Guarda cum ipsa ecclesia tonent Hugo filias noster dummodo vivit... lpso castello quod vocant Vuandelors (La Vidalenche, dans la vallée de Brezons, comm. de Malbo) cum ipso allode de Santa Maria (Sainte-Marie, canton de Pierrefort), Raymondo filio meo et Ugoni filio meo remaneat ".

Le testateur dispose, en outre, en faveur de l'abbaye d'Aurillac, du domaine de Pomeriols (village détruit, près de Lieutadès) et du domaine de Tornaye (Tourniac, près Pleaux) et de celui de Malaval (allode de Malovale) qu'il déclare avoir acheté de ladite abbaye. Faut-il rapporter ce nom au ruisseau de Malaval, affluent du Remontalou, dont le cours traverse les communes de Chaudesaigues et d'Anterrieux ? Il est difficile de se prononcer. Mais on voit par les termes du testament sur combien de points de la Haute-Auvergne s'étendait au Xème siècle l'hégémonie des comtes de Rouergue. C'est sur ces données que s'établirent les prétentions généalogiques de la famille d'Oradour.

Raymond, l'aîné, hérita du comté de Rouergue et du marquisat de Gothie. Hugues, le puîné, obtint les seigneuries de la Garde, de la Vidalenche et le château de Sainte Marie. Ces deux derniers fiefs restèrent toutefois indivis entre les deux frères. Hugues vivait en 980. C'est lui que les Oradour reconnaissent pour le chef de leur race. C'est à ce titre que, dans la suite, ils placèrent dans leur écusson les armes de la maison de Rouergue Toulouse.

On sait de lui fort peu de chose, sinon que de ces lambeaux de terre, épars autour du Plomb Cantal dans les vallées de Brezons et de la Truyère, il fit un domaine immense qui gagna Pierrefort et tout le mandement de la Planèze, déjà inféodé au monastère de Saint Flour, par les bienfaiteurs de ce couvent, les sires de Brezons et d'Apchon, dont ils ne tardèrent pas à devenir les rivaux. Est-ce à ces temps reculés qu'il faut faire remonter la vieille querelle des Apchon et des Pierrefort qui se disputaient le titre de premier baron de la Haute-Auvergne ? (2).

Nous allons retrouver bientôt les Oradour et les Brezons exerçant à Chaudesaigues et dans tout le pays des droits égaux et une action parallèle.

2. Pour conserver entre eux la parité, sans qu'aucun puisse s'attribuer la préséance, à l'appel des nobles, dans l'assemblée des états, les compétiteurs étaient nommés alternativement : Apchon, Pierrefort; Pierrefort Apchon.

Hugues laissa quatre fils: Déodat, Astorg, Etienne et Bernard et une fille Guillemite. Le puîné, Bernard, prit le nom de Jurquet et fonda une ligne distincte dont on suit la trace pendant les XIIIème et XIVème siècles (3).

Les nombreux. fiefs mentionnés dans les actes d'hommage d'Astorg Jurquet en 1268 ou dans le testament de Hugues Jurquet en 1307 donnent une idée de l'étonnante fortune que fit cette famille, tant en Planèze que sur les pentes du Lioran et les hautes vallées du Cantal; ils sont maîtres de tout le pays entre Saint-Flour et Murat.

Vers 1025, en tous cas, à une époque fort voisine de la fondation de Saint-Flour, Bernard est seigneur d'0radour, mais par indivis avec ses frères et sœur. Aussi est-ce avec leur concours qu'il donne, ou plutôt cède la moitié de l'église Saint-Etienne d'Oradour au prieur Simon ou Aymon qui leur livre en échange les lieux de Pierre-froide et de Pougoutal, de Malafosse et de Metjès avec soixante sous de monnaie du Puy (4).

Tout seigneurs qu'ils sont, les Oradour n'abandonnent que la moitié de I'église ou de ses revenus, nous dirons tout à l'heure pourquoi. Bernard et ses frères sont-ils en même temps seigneurs de Chaudesaigues ? Rien ne le fait supposer. Si Bernard, contemporain de Robert de Saint-Urcise, avait eu sur cette ville, un droit quelconque, nul doute qu'il eût suivi le mouvement d'enthousiasme religieux qui portait les riches barons de la contrée à se défaire d'une partie de leurs biens en faveur du sanctuaire naissant.

Or le cartulaire ne relève à l'actif de Bernard aucune libéralité touchant Chaudesaigues; tout ce qu'on peut avancer, c'est que, s'il avait des droits sur l'église Saint-Martin, il les réserva, de même que Robert de Saint-Urcise, en abandonnant la chapelle de Saint-Julien et ses dépendances, retenait de Saint-Martin, la moitié qui était à lui, soit qu'il ne voulût point, soit plutôt qu'il ne pût en disposer.

Il est hors de doute cependant que la moitié de l'église de Saint-Martin de Chaudesaigues advint bien au monastère du chef des Oradour, mais plus tard, probablement vers 1050. A ce moment un autre prieur, Géraud, a succédé à Simon (alias Aymon).

Bernard Jurquet est mort et André son fils est seigneur d'Oradour. Celui-ci s'est agrandi du côté de Chaudesaigues; ses libéralités en font foi. Il donne avec Rigaud son frère et Guillaume fils de celui ci, les mas qu'il possède dans ce qui formera la Foraine ou mandement de Chaudesaigues et le tènement d'Espinasse; Lazunac, Auzoles, Auzolette, Pered, Boyssières. Les donateurs stipulent qu'à leur mort, ils pourront être inhumés dans le monastère en habit religieux (5).

3. Cf. Documents historiques sur Carlat, t. I, n°LVII, t. II, pp. LXXII et CKLI. - Astorg Jurquet reconnaît, en 1268 à Henri comte de Rodez, comme vicomte de Carlat, à St-Flour, en présence de Déodat de Canillac, la seigneurie de Combrelles, une partie de celle de Chambeuil, de Chambon et tout ce qu'il possède dans la vallée de l'Alagnon depuis le Lioran jusqu'à la Maladrerie de Saint-Gal aux portes de Murat. Il reconnaît la majeure partie des forêts du Lioran et d'Albepierre. Cet acte d'hommage se rapporte seulement aux domaines de la vicomté de Murat, relevant de Carlat mais un document postérieur, le testament de Hugues Jurquet, chevalier, probablement fils d'Astorg, rédigé le lundi après la fête de saint André (1307), va nous faire connaître l'étendue des patrimoines de ses aïeux, dans la région de St-Flour. (Cf. Doat, t. 42, fol. 62).

Voici l'analyse de cette pièce curieuse : Hugues ne laissa point d'héritier direct; il a seulement deux neveux et une nièce, Gilbert Jurquet, damoiseau, et Souveraine, moniale du Chambon, tous deux enfants de son frère, autre Gilbert prédécédé et Jean Jurquet, damoiseau, fils de son autre frère Armand. Il lègue à ce dernier son château de Combrelles ainsi qu'une maison apud lo Chastar (Chastel-sur-Murat); à Souveraine, 15 sous à prendre sur le revenu du Chambon, et institue Gilbert héritier universel de ses autres biens. Ce sont à peu près les mêmes biens qui avaient été compris dans l'hommage de 1268. Suivent des legs particuliers faits aux diverses paroisses de l'arrondissement de Saint-Flour : huit deniers au recteur de la paroisse de Pierrefort, 12 deniers à chaque prêtre de cette église; autant aux recteurs et aux prêtres des églises de Paulhenc, Courdiège, Cezens, Oradour, St-Martin-sous-Vigouroux et Brezons; 15 sous pour les travaux de l'église de Pierrefort et autant pour la chapelle et le luminaire de Turlande. Le testateur dispose encore de vingt setiers de seigle, mesure de Pierrefort, pour faire la charité dimanches et fêtes dans les églises de Pierrefort, de Paulhenc à la Rochette et en divers endroits de la contrée, même aux pauvres d'Entraigues et de Brezons.

Il désigne comme exécuteur testamentaire ses deux neveux Armand et Gilbert, le curé de Paulhenc et le moine cellerier de l'abbaye de Bonneval. (Cette abbaye fut fondée en 1161 par Guillaume de Calmont, évêque de Cahors, sur ses terres patrimoniales. Ses ruines se voient encore dans la vallée du Boralde, non loin d'Espalion. La chapelle servit de sépulture aux seigneurs de Couffour de 1303 à 1401. Elle était après Conques la plus célèbre abbaye du Rouergue).

A cette époque, sans doute, les Jurquet ne dominaient plus sur les paroisses précitées. Ils avaient été supplantés par la branche aînée d'Oradour. Celle-ci, déchue elle-même de son ancienne puissance, se trouvait éclipsée d'abord par les seigneurs de Pierrefort et ensuite par le comte d'Armagnac, nouvellement intronisé à Carlat et à Murat, d'où il débordait sur la Planèze. Toutefois les multiples libéralités de Hugues Jurquet attestent la survivance de droits fort anciens sur cette région qui avait été le berceau de sa famille. Un Bernard Jurquet épousa, en 1276, Marquèse de Brossadols, fille de Guy, qui se maria en secondes noces avec Guérin de Châteauneuf, seigneur d'Apchier. (Boudet, Cartul. de St-Flour LXXXV).

Le Dictionnaire statistique du Cantal (t. V, p.4,99) signale encore Jean de Jurquet, seigneur de Combrelles, auxiliaire et conseiller de Guillaume de Nemours, commissaire royal en 1316.

4. Cartulaire de St-Flour.
5. Cartulaire de St-Flour.

Une donation plus importante suit celle-ci. Elle porte cette fois sur Saint-Martin de Chaudesaigues (6), dès longtemps convoitée par les moines qui y faisaient de fréquents pèlerinages, accompagnant avec chants et prières, une statue de la Vierge, vénérée dans un sanctuaire voisin sous le vocable de Notre Dame de Fridières. C'est à l'occasion d'un de ces pèlerinages que les bénédictins de Saint-Flour avaient obtenu de Etienne de Saint-Urcise avec la confirmation des premières donations de Robert encore vivant à cette époque (l'église de Saint-Julien en totalité, les prés y attenant, etc.) la moitié de l'église paroissiale (7).

6. Cartulaire de St-Flour. Andreas Jurquetz et fratres sui et nepotes cederunt et donaverunt Deo et sancto Petro et sancto Floro et ad locum ipsius- jure hereditario Ecclesiam sancti Martini quae dicitur ad Calidas-Aquas [Ecclesiam] sancti Stephani de Oratorio et Ecclesiam quae vulgo dicitur Bozac (Boussac, commune de Pierrefort) Ecclesiam Beatae Maria de Roueret (Rouire, près Oradour) et capellam de castro quod dicitur Batpalines (nom inconnu en Auvergne).

7, In die illo cum monachi sancti Flori attulerunt illam (imaginem?) ad Caladas Aquas, Robertus de Sancto Urcisio dedit Ecclesiam Sancti Juliani totam atque medictatem Ecclesiae sancti Martini et sieut ille, donavit tali modo Stephanus filius saus (Cartul.).

Restait à obtenir l'autre moitié qui appartenait à André Jurquet. Son consentement ne fut pas difficile à obtenir, mais il était subordonné à celui de personnages plus puissants que lui même, aux seigneurs de Brezons-Apchon que leur parenté avec les anciens Comtours de Nonette faisait regarder comme leurs ayants droit dans toute la partie du Cantal qui avait formé, avant le démembrement du XIème siècle, l'extrême sud de l'ancien comtorat, et primitivement, du comté de Tallende (8).

Les coutumes féodales n'avaient pas, à vrai dire, la rigueur et la précision que leur imprimèrent deux siècles plus tard les écrits de Philippe de Beaumanoir et les Etablissements de saint Louis. Dans la confusion d'où l'on sortait à peine, la nouvelle société cherchait péniblement son assiette, dégageait avec bien des incertitudes quelques principes de droit. Regarder les Oradour comme les vassaux des Brezons, au sens juridique du mot, serait donc un anachronisme. Partant de là, prétendre que la cession par le vassal, des revenus ou de la terre avoisinant I'église, pouvait paraître aux yeux du suzerain un abrégement de fief pour la validité duquel son consentement était nécessaire, toute cette théorie, disons nous, n'a pas pris corps au temps où nous sommes.

8. Voir pour cette parenté et la puissance respective des deux maisons M. BOUDET. Registres consulaires de St-Flour, p. 18 et 238.

Nous ne pouvons cependant interpréter autrement l'intervention des Brezons dans la double donation de Saint-Etienne d'Oradour et de la moitié de Saint-Martin de Chaudesaigues. Ces hauts barons des montagnes ont, pour user par anticipation de termes modernes, le domaine éminent ; les Oradour ont le domaine utile Cette distinction est nettement marquée dans le cartulaire ; Amblard de Brezons donne non seulement ce qu'il possède, en alleu dans le tènement de Saint-Martin de Chaudesaigues, mais encore les bénéfices de ceux qui sont ses vassaux, et beneficia ipsorum qui sui feuales sunt. Il donne tout ce qui est de son domaine direct, cuncta quae in dominio ibi possidebat; savoir, la moitié des droits de sépulture et d'offrande, medictatem scilicet sepulturae et medictatem offerentii, et tout ce que les prêtres de cette église tiennent de lui (9).

Mêmes distinctions pour l'église d'Oradour dont la concession par le premier Jurquet est rappelée et de nouveau confirmée.

Cet abandon des deux églises par les Jurquet avait été consigné en deux contrats distincts, conclus a des dates et entre des personnes différentes. Au regard des Brezons qui ratifient, il n'y a qu'un seul et même acte, applicable au présent et au passé, et cet acte n'est pas un don gratuit, c'est une vente. Les hauts personnages se font amplement dédommager par le monastère, des libéralités de leurs vassaux. Pro donatione harum ecclesiarum, dit le cartulaire, Amblard l'aîne, stipule du prieur Géraud, à son profit, une somme de mille sous, en s'engageant à faire entrer dans les ordres monastiques pour le plus grand bien de son âme, un de ses propres soldats; son frère Etienne reçoit une mule, son autre frère, Astorg, une gratification de cent sous.

En résumé, si les moines de Saint-Flour parvinrent à posséder la plus grande partie de Chaudesaigues et des mas dans la banlieue, ce fut par l'effet de plusieurs acquisitions successives et par le concours de deux maisons seigneuriales directement possessionnées dans le pays, les Saint-Urcise au sud, les Oradour au nord, et d'une troisième, les Brezons, dont les biens allodiaux étaient fort clairsemés, en ces parties, mais qui y exerçaient sur les autres nobles, grands et petits, une suprématie imparfaitement définie, soutenue, malgré tout, par le prestige encore vivace des anciens souvenirs.

9. Cf. Cartulaire, extrait des Archives de l'évêché de Saint-Flour. On peut inférer de ce texte qu'une communauté de prêtres analogue à celle d'Oradour et instituée par les seigneurs de Bezons, desservait à cette époque l'église Saint-Martin.

La jouissance de Saint Martin de Chaudesaigues ne fut pas paisible aux bénédictins. S'ils n'eurent pas à se plaindre de Géraud, fils et successeur d'André Jurquet, qui vivait en 1080 et leur fit cadeau, en outre, de son fief de Sainte Marie, ils furent en but à l'hostilité de ses descendants. Bernard II du nom et tous ses frères Etienne, Guillaume, Gérald et Pierre, tentèrent de révoquer les libéralités de leur aïeul et d'introniser à la cure un autre de leur frère nommé Arnaud.

On était en 1095. Le prieur de Saint-Flour s'en plaignit au pape Urbain II venu pour présider le Concile de Clermont. Bernard et ses frères furent publiquement déclarés excommuniés jusqu'à l'intégrale restitution de l'église qu'ils avaient occupée par violence. Le pape confirma cette sentence, à Saint-Flour, en même temps qu'il étendait les privilèges des moines sur quantité d'autres églises (10).

10- Dans les divers pagi qui servaient encore de divisions territoriales : " In Brivatense pago, Ecclesiam sanctae Florinae, sancti Gervasii, Ecclesiam de Burnunculo, de Leuton, de Lendon (Bournoneles, Léotoing, Lempdes). In pago Talendensi, Ecclesiam sancti Martialis (est-ce Saint-Martial, près de Chaudesaigues ?) Ecclesiam de Childrac (?) de Monte-acuto, etc…" Les termes employés par le pape visent directement la situation de l'église de Chaudesaigues : "Nulli omnino lieant camdom Ecclesiam tenere, perturbure aut ejus possessiones auferre, vel oblatos retinere, minere, vel temerariis vexationibus fatigare". Datum apud oppidum sancti Flori, Indict, III, VII idus decumbris, anno dominicos incarnationis MXCV". (Cf. Baluzo, Miscellanea, t.II, p. 175).

Les Oradour ne se soumirent point. A quelque temps de là, l'évèque de Clermont, Guillaume de Bafllé, vint à Aurillac pour faire les ordinations sacerdotales. Bien que frappé d'excommunication, Arnaud eut l'audace de se présenter devant le prélat, qui, sur l'opposition du prieur Etienne, refusa de lui conférer le sacrement et prononça contre lui l'interdiction. Arnaud s'obstina de plus belle. Ayant réussi à se faire ordonner par l'évêque de Rodez, il vint s'installer à la cure comme s'il eût été pourvu d'un titre régulier.

Les choses allèrent ainsi jusqu'à la venue à Saint-Flour du pape Calixte II en 1120. Soutenu par l'évêque de Clermont Aymeri, et par un grand nombre de seigneurs qu'il avait, su faire entrer dans sa querelle, Anselme, le nouveau prieur dénonça au pape les agissements sacrilèges d'Arnaud. Nouvelle excommunication. Les foudres spirituelles, non moins que l'intervention de personnages résolus a faire cesser ce scandale, brisèrent enfin la résistance des Oradour (11).

11- Au premier rang se trouve Astorg de Brezons, nouvelle preuve de la supériorité que tous les seigneurs, clercs ou laïques lui reconnaissaient. Son influence contribua certainement à la soumission des Oradour et il assista de sa personne au compromis passé à Saint-Flour.

Le pseudo curé et ses frères vinrent faire amende honorable au prieur et opérèrent entre ses mains la restitution de bénéfice usurpé en présence d'Etienne Planche, archiprêtre de Saint-Flour. Anselme ne voulut pas en priver totalement le prêtre repenti, mais en politique avisé, afin de prévenir toute revendication ultérieure, il lui accorda, à titre viager, la portion qui venait de Saint-Urcise. Il fut stipulé, en outre, que si Arnaud voulait se rendre en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, à Rome, ou à Jérusalem, il devrait, au préalable, résigner son bénéfice, ce qui advint quelques années après. Arnaud troublé par le remords, partit un jour pour la Terre Sainte et mourut en chemin (12).

12. Cf. Annal Mabill., t. IV, et Cartulaire, archives de l'archevêché de Saint-Flour

Cette transaction fut la dernière passée entre la couvent de Saint-Flour et les Jurquet, à l'occasion de Chaudesaigues. Pendant la période comprise entre le milieu du XIIème siècle et la fin du XIIIème, l'Auvergne se débat dans une longue anarchie déchaînée par la lutte contre l'Angleterre et la croisade albigeoise. Le brigandage est à l'ordre du jour. L'insécurité générale rend impossible la tenue des actes publics. Une longue nuit de cent cinquante ans obscurcit l'histoire de cette partie de la Haute-Auvergne. Quand le calme renaît avec Alphonse de Poitiers et grâce aux expéditions policières d'Eustache de Beaumarchais (13), les Jurquet ont disparu de Chaudesaigues (14). Mais l'octroi de nombreuses censives et les legs faits aux luminiers de l'église Saint-Martin sur leurs biens patrimoniaux (15), attestent que pendant de longues années la maison d'Oradour se montra fidèle aux pieuses traditions de ses fondateurs.

13. M. Boudet (Eustache de Beaumarchais et sa famille) a mis en lumière les péripéties de cette lutte contre les brigands ou faidits, continuation de la persécution albigeoise dans les Montagnes, et la détresse du couvent de Saint-Flour, victime des dilapidations de ses vassaux, entraînés à leur tour dans le brigandage universel.

14. Nous avons démontré qu'ils n'avaient jamais possédé le Couffour, contrairement à l'assertion d'Audigier.

15. V. Terrier de la luminerie de Chaudesaigues (Biblioth. du tribunal de Saint-Flour).